Dans sa chronique du quotidien londonien Al-Sharq Al-Awsat, l’intellectuel progressiste Dr Mamoun Fandy appelle les Palestiniens à profiter du climat politique actuel favorable pour faire avancer leur cause. Il estime que les Arabes doivent s’attaquer aux problèmes rencontrés par la direction palestinienne – comme son rejet des propositions politiques faites aux Palestiniens, son adhésion à une « résistance » qui s’auto-glorifie et le chiisme qui oppose Hamas et Fatah. Selon Fandy, les Palestiniens doivent décider dès à présent s’ils souhaitent faire partie du problème ou de la solution. Extraits de l’article de M. Fandy: [1]
« Vers qui doit se tourner une personne souhaitant jouer le rôle de médiateur dans la résolution du problème palestinien ? Vers l’Autorité palestinienne à Ramallah ou le Hamas à Gaza ? »
« Où doit se rendre une personne souhaitant jouer le rôle de médiateur dans la résolution du problème palestinien ? Les Européens et les Américains doivent-ils se tourner vers l’Autorité palestinienne à Ramallah, ou vers le Hamas à Gaza? A qui doivent parler l’ancien sénateur américain George Mitchell ou le haut représentant pour la politique étrangère à l’Union européenne Javier Solana … ?
Aujourd’hui, il n’y a en fait pas de partenaire palestinien [prêt à négocier la paix] ; les factions palestiniennes belligérantes idiotes peuvent être fières d’elles. Il y a bien sûr ceux qui vivent de la lutte [inter-palestinienne], avec leur écrits ou leurs émissions télévisées qui ne placent pas les dirigeants palestiniens face à la vérité. Il est toutefois préférable de discuter du problème palestinien comme des adultes et non comme des adolescents.
En termes de [climat] international, il n’y a jamais eu de meilleure occasion de résoudre le problème palestinien. L’Europe soutient les Palestiniens, veut une résolution de l’ONU instaurant un État palestinien, à l’instar de la résolution qui a créé l’État d’Israël – et Javier Solana va dans ce sens. [Le président américain] Barack Obama est certainement le meilleur président américain de tous les temps pour les Arabes en général et pour le problème palestinien en particulier. Ceux qui s’opposent à la création d’un Etat palestinien aujourd’hui sont les Palestiniens et les Israéliens – dans cet ordre …
La naissance d’un nouvel Etat au Moyen-Orient – qui est à la base une région instable – doit bénéficier du soutien international et de l’aide internationale, et [contribuer] à la stabilité de toute la région. Un Etat qui ne fait qu’ajouter à l’anarchie est indésirable. Un Etat palestinien contribuera à la stabilité de la région s’il bénéficie d’un leadership fort et unifié et s’il est dirigé par un individu énergique. Mohammed Dahlan est un exemple de dirigeant palestinien adapté : c’est une personnalité forte en termes de sécurité qui, malgré l’opposition du Hamas, présente les meilleures capacités et la vision la plus juste, et est à même de gérer la création d’un État palestinien qui participe à la sécurité et la stabilité de la région …
Le comportement des différentes factions palestiniennes et la rivalité qui les oppose font au monde l’effet d’efforts visant à maintenir le statu quo. [Le Premier ministre du Hamas] Ismaël Haniyeh et [chef du bureau politique du Hamas] Khaled Mashaal n’ont jusqu’ici fait preuve d’aucune maturité politique prouvant qu’ils veulent vraiment une solution. »
La direction palestinienne doit faire face à ses problèmes internes ; « Les Palestiniens d’aujourd’hui sont les pires ennemis de leur propre cause »
« Il ne fait aucun doute que l’occupation et la création par Israël de colonies de peuplement ne contribuent en rien à résoudre [le problème palestinien]. Mais dans nos articles en arabe non dirigés contre Israël, nous devons placer la direction palestinienne face à ses problèmes. Les condamnations d’Israël ne doivent pas donner libre cours aux folies des factions palestiniennes contre leur propre peuple et leur propre cause. Ceux d’entre nous qui ont un peu de bon sens rejetteront l’immunité des dirigeants palestiniens face aux critiques.
Il est important que nous soyons honnêtes dans notre évaluation de la situation palestinienne, qui est au mieux précaire. J’ai été une fois invité à une réunion avec le ministre palestinien des Affaires étrangères, dans un pays important. Au cours de la réunion, on a présenté au ministre palestinien des Affaires étrangères une carte des colonies de peuplement israéliennes. Lorsque le ministre s’est emparé de la carte, j’ai immédiatement compris pourquoi la cause palestinienne ne menait nulle part : il a contemplé la carte, mais [sans la comprendre]. Il était évident qu’il n’avait jamais regardé une carte de sa vie. Je me suis demandé pourquoi, alors que nous avons les meilleurs intellectuels issus des meilleures universités du monde, nous laissons ces dirigeants nous représenter … C’est une question à laquelle les Palestiniens doivent répondre.
La population de Gaza et de Cisjordanie veut un État comme tout le monde. Elle aspire à une vie meilleure dans un État souverain respectueux de son humanité. En ce sens, Gaza ne diffère en rien du Liban, de l’Égypte ou de la Syrie. Les [Palestiniens] sont fatigués de cette ‘résistance’ inutile – parce que la résistance doit avoir un but politique.
Les États et les mouvements ne se battent et ne résistent pas sans objectif politique. Jusqu’à ce jour, la direction du Hamas, et même certains à la direction du Fatah, ne nous ont pas convaincus de leur volonté de parvenir à une logique particulière et à un objectif pratique. Si l’objectif [de la résistance] est, pour certains membres de la direction, d’être reconnus comme les symboles de la résistance et de l’honneur [national], nous sommes parfaitement disposés à leur accorder cette reconnaissance, et il n’est pas nécessaire de sacrifier des vies innocentes pour un objectif de si peu d’envergure.
Toutefois, si l’objectif est de réaliser le rêve d’un Etat palestinien, et que ce peuple vive dans la dignité comme les autres peuples – alors c’est un autre combat, qui nécessite de nouvelles stratégies. La première [de ces] stratégies est la création d’un leadership unifié pour le futur Etat palestinien – lequel convaincra ses ennemis de la nécessité de négocier et de lui céder la terre. Il est facile de convaincre des amis, mais la résolution du problème nécessite d’abord de convaincre des ennemis …
Aujourd’hui, les Palestiniens sont les pires ennemis de leur propre cause. Le moment est venu de le leur dire ouvertement, par amour et sans rancune. »
« Il n’y aura jamais de situation politique meilleure pour les Arabes, et plus particulièrement pour les Palestiniens. »
« La situation politique mondiale a changé depuis que Barack Obama est entré à la Maison Blanche. Il n’y aura jamais de situation politique meilleure pour les Arabes, et plus particulièrement pour les Palestiniens, qu’aujourd’hui. Ainsi, les Palestiniens doivent faire preuve de souplesse avec Obama s’ils souhaitent résoudre leur problème ; ils doivent unir leurs dirigeants, s’engager à faire cesser la violence et à revenir à la table des négociations pour discuter de la solution des deux États telle que présentée dans l’Initiative [de paix] arabe … Nul, parmi ceux de la communauté internationale qui veulent une solution, ne souhaitent trois États [Gaza, Ramallah et Israël]. Israël doit également comprendre que cette fois il ne sera pas possible de contourner l’acceptation d’un État palestinien à ses côtés.
L’ère des moratoires est révolue. Nous savons déjà qu’Israël n’acceptera pas un tel Etat sans pressions internationales intenses … A la [sixième Conférence générale] du Fatah [2], les Palestiniens devront… donner le sentiment qu’ils sont un peuple digne d’être indépendant – non pas un peuple traversant une phase de son adolescence où ses fils se bouffent entre eux.
Les Palestiniens sont à nouveau confrontés à un choix historique : faire partie de la solution ou du problème. Ils ont également [aujourd’hui la possibilité] de donner à la Palestine un leadership cohérent, parlant d’une seule voix – auquel tous peuvent s’adresser s’ils ont quelque chose à dire. »
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[1] Al-Sharq Al-Awsat (Londres) 27 Juillet 2009
[2] L’article a été publié avant la conférence, qui a eu lieu 4 et 5 août 2009 à Bethléem.