Quand Imen Habib répond à Brigitte Sitbon

Voici ce que l’on pouvait lire sur le site du Huffington Post ce matin, avec nos commentaires bien sûr !

Réponse au billet de Brigitte Sitbon

Madame Brigitte Sitbon,

Votre article « Julien Clerc, Israël et les pressions du BDS » publié dans le Huffington Post du 5 juillet comportant des propos diffamatoires à notre égard et des informations erronées, nous tenons à rétablir la vérité.

Dans votre introduction, enveloppée de considérations soi-disant philosophiques, vous posez deux questions : la validité de l’équation « Israël = Afrique du Sud » et « Peut-on utiliser la culture comme arme de guerre ? ». Votre article est ensuite un mélange de propos sur les prétendues pressions de la Campagne BDS contre les artistes et le caractère soit-disant «ringard» du boycott culturel.

Vous avouez vers la fin de l’article, mais sans l’expliquer, que « les mobiles bédésiens [comprendre « de BDS »] peuvent certes être légitimement discutés », pour souligner ensuite que les méthodes employées relèveraient de « la ségrégation, la discrimination, la haine de l’autre, etc ». Et enfin vous concluez sur le rêve d’un festival façon Woodstock dans lequel artistes ou intellectuels israéliens et palestiniens se produiraient ensemble et sur une image idyllique de Tel-Aviv, « first capitale gay et festive du monde ».

Reprenons ces points. (Oui, reprenons.)

L’équation « Israël = Afrique du Sud ? »

Vous ne manquez pas de qualifier Israël de « démocratie », sans doute selon cet adage courant comme quoi un pays où les gens votent librement bénéficie automatiquement du label démocratique. (Certes, mais ce n’est pas tout: en Israël les arabes israéliens ont les mêmes droits que les juifs ou les chrétiens, si ce n’est plus par le biais de lois les favorisants comme les juifs orthodoxes: le droit de ne pas servir son pays par le biais de l’armée, de recevoir malgré cela des allocations familiales et parfois même la tolérance de ne pas payer d’impôts locaux, ce dernier point n’étant pas toléré aux juifs orthodoxes. Quand aux Palestiniens, disons qu’ils sont largement mieux lotis que les Roms en France (qui eux aussi n’ont pas de carte d’identité ou de séjour), eux même largement mieux lotis que les Palestiniens au Liban qui eux subissent de véritables lois d’Apartheid et un racisme gouvernemental accru) Pourtant, l’opinion publique internationale est de plus en plus consciente que le peuple palestinien subit partout, que ce soit dans les territoires occupés de Cisjordanie et de Gaza, ou en Israël, une vie quotidienne faite soit d’exclusion, de colonisation, d’apartheid, d’épuration ethnique, de déni des droits nationaux, d’humiliation, de répression, voire de blocus (ces termes relevant de réalités concrètes juridiquement étayées) (Merveilleux cet étalage de faussetés. Reprenons donc ces points: Exclusion, oui surement du fait de leur choix de ne pas vouloir prendre la nationalité du pays qui les héberge, les nourrit et les protège. Bref, une exclusion au pire comme celle des Roms en France, mais sans commune mesures avec d’autres pays arabes. Colonisation ? De nombreux juristes, avocats et délibérés ont démontré que légalement parlant, il ne s’agit pas de colonisation. Cela dit l’appellation « Colonisation » est issue des éléments de langage extrémistes visant à diaboliser Israël. Ces dites colonisations contribuent à plus de 80% du PIB de l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie ! Apartheid. Il faudrait aller là bas pour se rendre compte qu’il n’y en a pas. Vous le dire ou le conter ne saurait être objectif et la réalité vécue ne saurait remplacer les propagandes et discours subjectifs, à la limite de l’antisémitisme. Ce sont d’ailleurs toujours les mêmes qui véhiculent ces mensonges… Cela dit, pour ne pas être accusé de fuir la réponse, la voici: le gouvernement n’a jamais organisé de politique ségrégationniste et toute dérive atteignant ce seuil a systématiquement été rejetée par la Cour Suprême israélienne, qui comme son nom l’indique donne la décision finale quand à l’application des lois sortant de la Knesset. Épuration ethnique. La meilleure réponse à ce mensonge n’est autre que les chiffres fournis par le Palestinian Central Bureau of Statistics concernant l’évolution de la population palestinienne en Cisjordanie et en Israël. Par définition de l’épuration ethnique, ces chiffres devraient chuter ou du moins décroître. Cela n’a jamais été le cas… Concernant le déni des droits nationaux, il va de pair avec l’appellation de colonisation. A partir du moment où il n’y en a pas, il n’y a pas de droits dit nationaux: quelle nation ? celle que les palestiniens ont refusé dès le début, en 1948, en déclarant et perdant leur guerre d’indépendance ? Concernant l’humiliation, la répression, voire le blocus, je renvoi le lecteur à visiter la bande de Gaza pour se faire une véritable idée de l’humiliation et de la répression du Hamas envers les palestiniens, et du blocus égyptien. Évidement, les palestiniens ne sont pas plus humiliés ou réprimés que d’autres juifs ou chrétiens fauteurs de troubles. Mieux encore, et faute à la pression internationale constante sur le gouvernement israélien, les palestiniens coupables de crimes ou de vols sont en moyenne moins réprimés et humiliés que des juifs commettant les mêmes actes) Quelques exemples : Les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ne peuvent pas se déplacer librement, ils ne pourront pas aller écouter Julien Clerc. (Faudrait savoir, ils veulent entrer en Israël ou le boycotter ? Veulent-ils vivre en harmonie avec leurs voisins juifs ou les marginaliser ? Les palestiniens ne comprennent donc pas qu’après les 30 années de terrorisme accrus, les juifs sont devenus méfiants ? La meilleure réponse réside dans cette question: qu’auriez vous fait pour vos enfants ?) Ceux de Cisjordanie vivent une situation d’apartheid qui leur impose un contrôle et une répression militaire permanents (A raison: dernièrement, un véhicule palestinien soi-disant médical (ambulance) contenant des explosifs a été saisi par la police militaire israélienne. Ces contrôles nécessaires, qui agacent aussi les israéliens, et qui leurs coûtent chers, ne devraient pas être une barrière pour ceux qui sont honnêtes avec eux même. Mieux encore: le palestiniens de Cisjordanie travaillent dans ce que vous appelez des colonies et même en dehors de la Cisjordanie… il n’y a donc pas tant de barrières que ça lorsque la volonté de vivre en paix existe) Ceux d’Israël sont des citoyens de seconde zone : ainsi la récente loi Prawer, votée en première lecture à la Knesset, vise à expulser au moins 40 000 Bédouins du Néguev de leurs villages. (Les bédouins eux-même ne se considèrent pas comme des palestiniens… Quelle propagande, d’autant plus que cette loi vise à améliorer les conditions de vie, notamment sanitaires et sécuritaires, de ces bédouins. Il ne s’agit pas d’expulser mais de relocaliser dans des lieux plus adaptés et aménagés… en Israël). Ainsi, la comparaison avec la situation sud-africaine de l’apartheid n’est pas exagérée, vous citez vous-mêmes le soutien en ce sens de Desmond Tutu, et le Tribunal Russel pour la Palestine l’a largement étayé juridiquement. (Apres toutes ces preuves, le lecteur peut maintenant reconsidérer cette dernière phrase…)

Tous les citoyens attachés aux droits humains, donc y compris les artistes, sont interpellés par cette situation. Celui que vous appelez « Juju » l’a lui-même chanté « A quoi sert une chanson si elle est désarmée ? ».

Peut-on utiliser la culture comme arme de guerre ?

C’est assurément ce que fait Israël, qui pour se donner une image de pays ouvert à toutes les cultures, se sert des artistes pour se blanchir de ses crimes. Des politiciens israéliens avouent eux-mêmes que cette manipulation de la culture permet de rehausser l’image de leur pays. (Et François Hollande qui cherchait le soutien de stars, et la campagne BDS qui a poussé le Physicien de renommée mondiale Stephen Hawking à boycotter l’anniversaire du Prix Nobel de la Paix Shimon Peres etc… la pratique n’est pas malsaine, elle est courante et normale)

L’État d’Israël tient à sponsoriser de nombreux festivals dans d’autres pays, ainsi le festival « Jazz et Klezmer » en France. La « guerre » dont vous parlez est donc bien déclenchée par le régime israélien. Le boycott culturel ne fait qu’en parer les assauts en s’adressant aux artistes invités en Israël et en les invitant à refuser de servir de caution à une politique d’apartheid.

Contrairement à vos allégations mensongères, cela se fait sans aucun harcèlement, aucune menace ni injonction aucune interpellation de nature « féroce ». Julien Clerc l’avoue lui-même, nous qualifiant de « gentils ». (Pourtant les témoignages ne manquent pas: certes Julien Clerc qualifie le mouvement raciste et ségrégationniste BDS de « gentils », mais qu’en est-il des autres ? Nombreux sont les témoignages de violences verbales et de harcèlement, ce qui est moins « gentil » !)

Nos interventions sont non-violentes, citoyennes, elles relèvent du débat démocratique. (Un débat démocratique facon Printemps Arabes alors… désolé, elle était trop facile !)

Vous ne pouvez pas en dire autant des interventions d’Israël dans le domaine culturel quand elles concernent les Palestiniens. Année après année, le Jérusalem Festival palestinien, une manifestation parfaitement pacifique, est réprimé par des interdictions et des descentes de police, les dernières en date ont été rapportées ces jours derniers. (Avant de parler de la forme, parlons du contenu de ce festival: une véritable ode à la mort et au terrorisme palestinien antijuif, est-ce cela un festival ?)

Concernant les nombreux artistes qui ont refusé d’aller se produire en Israël (vous auriez pu ajouter Roger Waters des Pinks Floyd, Elvis Costello, Annie Lennox, Nigel Kennedy, Santana, le dramaturge Peter Brook – et bien d’autres), faute d’arguments sérieux reconnaissant leurs motivations, vous déclarez qu’ils ont été victimes de nos « fourches caudines ».

Auriez-vous combattu les artistes qui ont refusé de se produire en Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid ? Leur auriez-vous dit, comme vous l’écrivez, qu’ils n’ont pas lieu d’être « les acteurs d’un combat qui ne les concerne pas directement » ?

Vous vous efforcez d’essayer de déceler des incohérences dans nos positions (telles vos observations sur le film « Cinq caméras brisées ») et vous nous accusez d’utiliser des « moyens » relevant de la ségrégation, la discrimination, la haine de l’autre en jouant sur la confusion des mots. (Pas besoin de jouer avec ça, c’est limpide)

En effet, nous soutenons explicitement les artistes israéliens et palestiniens qui diffusent un message anti-colonialiste : des cinéastes tels que le cinéaste israélien Eyal Sivan et les artistes palestiniens qui échappent courageusement au rouleau compresseur de la politique israélienne (Quid de la politique arabo-palestinienne ? De l’ONU au financement de certains films, la majorité friquée l’emporte toujours… malheureusement.). Pour autant, la ligne du boycott culturel est extrêmement claire sur le fait que nous n’appelons pas au boycott des individus ni des films israéliens en tant que tels. Vous rappelez d’ailleurs vous-même cette position en citant Mona Baker, alors pourquoi nous accuser de créer des amalgames alors que nous précisons exactement la limite de notre action politique ?

Si un festival façon Woodstock (bizarre, vous ne qualifiez pas Woodstock de «ringard») devait se produire à Tel Aviv il devrait décemment commémorer l’expulsion massive qu’ont subie les Palestiniens du quartier de Jaffa lors de la création d’Israël (Ce qui fut normal puisqu’ils ont refusé d’accepter la création d’un état juif et d’un état arabe, la Jordanie, en espérant jeter, dixit, tout les juifs à la mer. Votre regret d’aujourd’hui n’est autre que votre échec d’hier !), il devrait appeler au droit au retour des réfugiés palestiniens (Sous quel prétexte ? Comment réparer le décompte incohérent des réfugiés palestiniens, les seuls réfugiés au monde à croître à vitesse exponentielle ! Et si tel devrait être le cas, quid des millions de réfugiés juifs des pays arabes ?) à la fin de l’apartheid israélien, et déclarer Tel Aviv ville ouverte à tous les Palestiniens. (Enfin vous dévoilez votre espoir. Malheureusement, et historiquement, la terre palestinienne n’est pas de ce coté-ci du Jourdain.)

Mais il ne s’agit là que d’un vœu. Pour le réaliser nous continuerons, soyez-en assurée, à développer la campagne BDS et à encourager les artistes à ne pas accepter les invitations des chantres de l’apartheid israélien. (Continuez, votre volonté n’a d’égal que votre extrémisme).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *