Par Chawki Freïha
Les forces du ministère de l’Intérieur du gouvernement d’Ismaïl Haniyeh à Gaza, et les Brigades Ezzeddine Al-Qassam, bras armé du Hamas, ont attaqué samedi 15 août la mosquée « Ibn Taymiyya » à Rafah, ont massacré 24 membres du groupe radical « Jund Ansar Allah » et en ont blessé plus de 150.
Cette affaire est une suite logique de la politique du Hamas et ne sera sans doute pas la dernière. Car, il faut se souvenir que le mouvement Hamas, créé lors de la première Intifada palestinienne par les Frères musulmans, a, depuis sa naissance, endoctriné la population palestinienne et en formé des milliers de kamikazes prêts à se battre au nom de l’islam et pour libérer Jérusalem (Al-Quds). Après avoir conquis le pouvoir à la faveur du coup d’Etat contre l’Autorité palestinienne, le Hamas a imposé la loi islamique et fondé une « police des mœurs » chargée de faire respecter la Charia, allant même jusqu’à l’interdiction de la mixité et de l’exposition dans les vitrines des vêtements pour femme…
Le Hamas avait réussi à supplanter le Fatah grâce à sa ligne dure prônée face à la politique de Yasser Arafat. Avec l’appui de la Syrie, le Hamas avait fait de son opposition aux Accords d’Oslo sa raison d’être. Mais actuellement, sous les pressions directes et indirectes d’Israël, des pays arabes (Égypte, Jordanie et Arabie Saoudite notamment) et de la communauté internationale, le Hamas fait semblant de tendre la main aux Occidentaux, à la recherche d’une reconnaissance et d’une légitimation. Il se met à développer une politique « médiane », interdisant toute violation de la trêve conclue avec Israël au lendemain de l’opération « Plomb durci » de décembre 2008 et janvier 2009. De ce fait, il perd sa légitimité aux yeux des plus radicaux. Les déçus de la trêve et de la solution négociée s’opposent à toute reconnaissance d’Israël et à l’établissement d’un État palestinien dans les frontières de juin 1967, préférant poursuivre le Jihad conformément à l’enseignement prodigué par le Hamas.
Comme ce dernier avait doublé Yasser Arafat, il se retrouve aujourd’hui face à la même situation et menacé de se faire déborder par les plus radicaux qu’il avait lui-même formés. Ceux-ci se coalisent désormais dans des groupuscules radicaux, comme « Jund Ansar Allah » ou « Jaïch Al Islam » qui avait contribué à l’enlèvement de Guilad Shalit en juin 2006. Cette prolifération de groupes extrémistes se fait cependant sous l’œil du gouvernement Haniyeh, comme nous l’avons démontré le 19 juin dernier.
En définitive, « Jund Ansar Allah » n’aurait pu exister sans l’aval du Hamas. Le groupe vient d’ailleurs de rejeter les accusations formulées par le gouvernement démis de Haniyeh, démentant tout lien avec Al-Qaïda, tout comme il s’est défendu de toute implication dans le terrorisme à Gaza. Rappelons que le 8 juin 2009, ce même groupe avait mené une attaque contre un poste israélien, et tenté d’enlever des militaires juifs, avant de diffuser sur internet une vidéo d’une demi-heure montrant son unité de cavalerie à l’entrainement. Comment a-t-il pu filmer une dizaine de chevaux en toute quiétude sans la moindre réaction du Hamas ? La question mérite d’être posée.
Il est ainsi certain que « Jund Ansar Allah » est un groupuscule issu du Hamas. Car parmi les morts de la mosquée Ibn Taymiyya de Rafah, attaquée par le Hamas et les brigades Al-Qassam, figurent non seulement l’émir du groupe Abdellatif Moussa (Abou An-Nour Al-Maqdesi) et son adjoint syrien (Abou Abdallah Al-Souri), mais aussi et surtout le neveu de Moussa Abou Marzouk, le numéro deux du Bureau politique du Hamas, basé à Damas (selon le quotidien « Al-Quds Al Arabi » du 17 août 2009).
Il apparait ainsi que le Hamas, à travers son opération contre la mosquée de Rafah, cherche à redorer son image de « mouvement politique », et à se placer dans l’alignement du combat international contre Al-Qaïda, dans l’espoir de récolter une reconnaissance politique face à Mahmoud Abbas et au Fatah, qui vient de clôturer son congrès, de renouveler et de rajeunir ses instances.
Une autre hypothèse inquiète les observateurs : la Syrie négocie sa réhabilitation dans le concert des nations. Pour ce faire, le régime tente de monnayer son intervention auprès de l’Iran pour obtenir la libération de la française Clotilde Reiss, et promet – depuis des mois – d’œuvrer auprès du Hamas pour obtenir celle du franco-israélien Guilad Shalit. Mais la facture que Damas doit payer est lourde, comprenant non seulement la rupture de son alliance avec Téhéran, mais surtout le démantèlement du Hamas et du Hezbollah. Ce qui laisse penser que le syrien Abou Abdallah Al Souri, numéro deux de Jund Ansar Allah tué à Rafah, puisse avoir été un agent de Damas introduit à Gaza par les services syriens et chargé d’affaiblir le Hamas, en vue de le démembrer. Cette hypothèse est toutefois à prendre avec prudence.