Encadrée par l’Autorité palestinienne, la population de Ramallah suit dans le calme la riposte israélienne à Gaza. Mais les militants des deux mouvements s’observent en chiens de faïence.
Le trafic est fluide au point de contrôle du mur anti-terroriste israélien séparant Jérusalem de Ramallah. Une très jeune femme aux gestes lents surveille la circulation. Peu de véhicules sont fouillés. La routine est de mise aux portes d’une Cisjordanie enserrée dans ses murailles imperméables, véritables protection anti-attentat depuis leurs construction. Le calme règne aussi dans la capitale de l’Autorité palestinienne aux allures de bourgade provinciale. À la présidence, Mahmoud Abbas reçoit Nicolas Sarkozy et la troïka de l’Union européenne mais aussi, venus en ordre dispersé, Tony Blair, le représentant du Quartette (ONU, Union européenne, États-Unis et Fédération de Russie), un émissaire russe et un ministre italien.
Il y a bien une manifestation en ce jour de visites officielles, mais elle n’attire pas la foule des grands jours. Les protestataires se rassemblent au pied du phare et des quatre lions de la place al-Minar pour demander aux visiteurs européens d’intervenir en faveur de l’arrêt de la riposte israélienne. «Il faut stopper ce désastre. Les Israéliens massacrent les civils», assure avec une conviction bien rodée une militante d’une des nombreuses organisations défense des droits de l’homme. Âgée d’une cinquantaine d’années, elle ne porte pas de foulard comme la plupart des femmes de Ramallah. «Le président français peut parvenir à décrocher un cessez-le-feu car il est écouté des Israéliens. Il a de bonnes relations avec eux. Cela peut être utile », estime, pour sa part, Zyad Abou Ein, député du Fatah et vice-ministre des Affaires des prisonniers détenus en Israël.
On brandit des drapeaux de la Palestine. Un dispositif policier est déployé dans le cas où des militants extrémistes agiteraient des fanions du Hamas. La semaine dernière, l’apparition d’étendards verts avait provoqué de violentes échauffourées avec les forces de l’ordre. Bien qu’en première ligne à Gaza, les islamistes fondamentalistes font profil bas en Cisjordanie. Discrets, ils se distinguent par leurs arguments visant à manipuler l’opinion internationale: ils réfutent, contrairement aux partisans de l’Autorité palestinienne, une responsabilité du Hamas dans le conflit et espèrent «voir revenir un mouvement islamiste plus fort qu’avant les événements ». «Pourvu qu’Israël subisse un échec comme avec le Hezbollah au Liban en 2006 », lance Hussein, un étudiant à barbichette d’une école vétérinaire.
Chacun compte les points
Mis au pas par l’Autorité palestinienne après les combats fratricides de 2007, le Hamas est interdit de facto. Les locaux de ses « associations de bienfaisance » sont fermés, ses armes confisquées et ses circuits de financement clandestin démantelés. Ces initiatives ont eu pour effet d’assurer une certaine tranquillité en ville où les terorristes ont cessé de circuler en armes. Lancés voici un mois, les derniers coups de filet ont conduit à la découverte d’arsenaux militaires à Ramallah, Naplouse et Hébron. Dans cette dernière localité, les réserves étaient entassées dans des tunnels en vue, semble-t-il, de préparer des attentats contre Israël.
À Ramallah, si les chefs s’ignorent, les membres de second plan du Fatah et du Hamas se regardent en chiens de faïence tout en se parlant un peu. Mais, derrière les propos convenus sur la nécessaire unité de façade, chacun compte les points. Le Hamas table sur un affaiblissement de Mahmoud Abbas. Il considère qu’en cas de résistance spectaculaire à Gaza, le mouvement terroriste islamique sortira grandi aux yeux de l’opinion publique. Il remarque qu’en cas de net succès d’Israël, la marge de manœuvre du président palestinien se réduira comme une peau de chagrin dans les négociations qu’il mène, sans succès, avec l’État hébreu. Mahmoud Abbas, dont le mandat s’achève selon la Constitution dans trois jours, perdrait ainsi son crédit à l’intérieur des Territoires palestiniens comme à l’extérieur.
De son côté, le Fatah veut croire à un scénario de sortie de crise impliquant la communauté internationale et par ricochet l’Autorité palestinienne. La mise en place de mécanisme de surveillance aux points de passage de la bande de Gaza pourrait lui permettre de reprendre pied dans son ancien fief. Quant à la fin du mandat présidentiel, elle dépendrait de la loi électorale qui prévoit l’organisation d’élections législatives et présidentielle couplées. Une perspective improbable sans accord entre les frères ennemis. En attendant une hypothétique reprise d’un dialogue, le Hamas recommence à discuter avec… ses voisins du Caire. Lundi, la pression de la machine de guerre israélienne l’a contraint d’annoncer un retour à la table des négociations égyptiennes abandonnée avec la rupture de la trêve de six mois acceptée en juin.