Si civis pacem para bellum

Par Samia Chouchane,
Chercheur au Centre de Droit Pénal International et d’Analyses des Conflits,
Université des Sciences Sociales de Toulouse I

Ce vieil adage latin (Si tu veux la paix, prépare la guerre, ndlr) semble particulièrement approprié à la stratégie militaire israélienne alors que Tsahal a lancé la semaine dernière une opération militaire contre les positions du Hamas à Gaza. L’objectif politique, aussi paradoxal peut-il paraître aux yeux de certains, est d’anéantir non seulement l’organisation islamiste en termes de capacité de frappes contre Israël mais également de favoriser à moyen ou à long terme les négociations israélo-palestiniennes.

Contrairement au second conflit libanais, où il ne s’agissait pas de détruire le Hezbollah pour favoriser le dialogue avec le pays du Cèdre, l’opération «Plomb Durci » vise à éliminer le Hamas qui porte en lui de manière consubstantielle, le projet de destruction de l’État hébreu. Écarter le Hamas, c’est favoriser le rapprochement.

Dans ce sens et pour y parvenir, les stratèges de Tsahal ont renoué avec la grande tradition militaire qui a fait sa gloire : l’attaque par surprise. En effet, Israël a entamé son opération à un moment où rien ne laissait le penser : en plein Shabbat et lors des célébrations d’une des fêtes les plus sacrées du judaïsme, Hannoucah. Si les déclarations des membres du gouvernement, notamment de Tsipi Livni laissait entrevoir une attaque imminente, rien ne permettait d’imaginer un tel timing.Qui plus est, les discussions sur le renouvellement d’une trêve étaient en cours, ce qui laissait très certainement pensé au Hamas qu’Israël n’attaquerait pas aussi rapidement.
Un tel scepticisme du Hamas s’explique également par les « traumatismes » que la deuxième guerre du Liban a laissés en Israël : incohérence quant objectifs réels (liquider le Hezbollah ou récupérer les soldats ?) ; rivalités des généraux et stratégie médiatique catastrophique entre autres. Et alors que Tsahal achève sa première semaine d’opération, on peut d’ors et déjà faire le bilan suivant : les leçons de la guerre de 2006 ont été retenues ! L’armée semble adopter une stratégie très cohérente sans aucun « couac », si ce n’est l’usage politicien qui ait fait de l’opération à Gaza par différents leaders des partis politiques et des membres du gouvernement puisque les élections législatives doivent se tenir (en théorie) en Février 2009. L’objectif tant militaire que politique est cependant clair : en finir avec le Hamas.

De la même manière et avec un certain succès semble-t-il, Israël n’a pas négligé ses efforts dans l’autre bataille, celle des médias et de l’opinion publique internationale. Cette question de l’image, désormais inhérente à toute opérations militaires avait particulièrement était mal menée lors du conflit de 2006. Cette fois, le processus de remise en perspective de l’opération « Plomb Durci » dans son contexte et une certaine transparence quant aux déroulements des actions de l’armée a permis à Israël de faire accepter, y compris au sein de cercles politiques arabes, qu’il s’agit là d’une guerre non seulement contre le Hamas et non contre le peuple palestinien mais également dans la lignée des guerres légitimes de l’État d’Israël en invoquant le fameux concept « ein breïra » (littéralement « on a pas le choix »). Cette stratégie médiatique mise en place dès le début des opérations a semble-t-il tellement portée ses fruits que les militants pro-palestinien ont déployés des moyens sans précédent dans l’histoire du conflit pour contrer la « hasbarah israelite », comme l’a démontré le piratage de certains sites d’informations israéliens, inaccessible pendant de nombreuses heures (le site de Yediot Aharonot en anglais par exemple).

Cette guerre contre le Hamas est aussi celle de l’innovation dans l’éthique militaire israélienne. Il est en effet vain d’imaginer une quelconque réussite militaire par le simple usage des forces aériennes car celles-ci peuvent se révéler à double tranchant : efficace contre les terroristes et terribles pour les populations civiles. L’armée a donc mis en place plusieurs mécanismes pour alerter les habitants de la Bande de Gaza dont celui qui consiste à appeler à leurs domiciles les personnes vivant à proximité ou sur des zones devant faire l’objet de bombardements. L’usage également de moyen sonore a été rapporté afin alerter avant chaque opération aérienne ou encore la technique du « roof knocking » qui laisse une dizaine de minute aux occupants d’une maison pour l’évacuer.

Ce sont là autant de précautions éthiques renforçant la préoccupation à terme des autorités israéliennes : celle de parvenir à la paix. Cette guerre est belle et bien menée pour la paix, ne nous y trompons pas !

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