Un peu de philosophie politique…

Le Hamas a été élu démocratiquement, la volonté du peuple doit donc être respectée.

L’argument foisonne ici et là, dans tous les médias, fussent-ils les plus sérieux. C’est en philosophe que je voudrais réagir à cette absurdité que tout le monde à l’air d’admettre comme un postulat absolument vrai. La faille réside au départ, dans une vision de la démocratie comme voie beaucoup trop étroite et restrictive – uniquement en termes de scrutin et d’élections – et non pas comme celle d’une voie bien plus large, ce que John Rawls appelle « l’exercice de la raison publique ».

Ce concept beaucoup plus vaste et riche comprend la possibilité pour tous les citoyens, de participer librement et sans coercition aux discussions politiques et d’être ainsi en mesure d’influencer les choix relatifs aux affaires publiques. Pour déconstruire le mythe électoral comme seul signe de la démocratie, il est capital de se rendre compte que la démocratie a des exigences qui transcendent l’urne électorale.

Voici ce qu’écrit Rawls: « En définitive, le concept fondamental d’une démocratie fondée sur la délibération est le concept du débat en soi. Lorsque les citoyens débattent, ils échangent leurs opinions et discutent de leurs propres idées sur les principales questions d’ordre public et politique » (Collected Papers, Harvard University Press)

En réalité, les élections sont seulement un moyen – bien que, de toute évidence très important – de rendre efficaces et effectives les discussions publiques, quand la possibilité de voter se combine à la possibilité de parler et d’écouter sans crainte. La force et la portée des élections dépendent de manière critique de la possibilité de l’existence d’un débat public ouvert. Les élections peuvent être tristement inadéquates, ce qui est abondamment illustré par les extraordinaires victoires électorales des tyrans au pouvoir dans les régimes dictatoriaux, de l’union soviétique de Staline à l’Irak de Saddam Hussein, en passant par le Gaza du Hamas.

Dans ces cas là, le problème ne réside pas simplement dans la pression qui est amenée à peser sur les électeurs au moment de l’acte que constitue le vote lui même, mais dans la façon dont les débats publics sur les échecs et les transgressions du pouvoir sont contrecarrés par la censure, dans la suppressions d’une opposition politique (via les armes, les meurtres et exactions), ainsi que dans la violation des libertés et des droits politiques fondamentaux.

Comme le faisait remarquer Rawls, ce qui est nécessaire, c’est  » la sauvegarde de la diversité des doctrines, et l’existence du pluralisme », sauvegarde qui a pour condition nécessaire une éducation non orientée idéologiquement, un espace neutre ou l’information historique et politique et partagée, permettant ainsi aux citoyens d’établir leur propre avis et de choisir librement (c’est à dire aussi en ayant toutes les alternatives en main) au moment de la prise de décision électorale.

Dans le cas du Hamas à Gaza, il apparait à présent de façon claire et démontrée que ce qui a été gardé, c’est l’apparence de l’institution démocratique, qui n’a en réalité de sens et d’existence véritablement démocratique que si elle intervient au terme d’un long processus d’éducation, de débat public libre et sans danger et qu’elle ne fait pas suite à une prise de pouvoir par la force armée (tuant les opposants sur la place publique).

2 comments for “Un peu de philosophie politique…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *