Par Khaled Asmar
Si la guerre de Gaza était prévisible, et sciemment provoquée par le Hamas et ses bailleurs de fonds syriens et iraniens, en revanche, son issue et son bilan ne sont toujours pas bien définis. A l’heure où le Hamas annonce avoir accepté un cessez-le-feu, il est intéressant de scruter la position de ses alliés, notamment celle du Hezbollah.
Le parti de Dieu n’a cessé d’appeler les Palestiniens à la résistance (suicide) et les Égyptiens à la révolution, dans l’objectif de prolonger et d’élargir le conflit, préparé depuis de longues dates, et exploité pour déstabiliser les régimes arabes « modérés ». Le parti de Hassan Nasrallah est soucieux de respecter trois agendas :
Son propre calendrier consiste à gagner du temps, à éviter que la question de son désarmement ne soit évoquée lors du prochain round de dialogue national, à intimider la majorité et à bien préparer les élections législatives de juin prochain.
L’agenda syrien consiste à faire monter la tension régionale – dont à Gaza – pour imposer Damas comme le seul interlocuteur au nom de « l’axe résistant », afin de permettre aux Syriens de négocier un arrangement concernant le Tribunal international (assassinat de Rafic Hariri) et le son programme nucléaire clandestin avec l’AIEA (centrale de Deir Ez-Zor). En effet, à la faveur de la guerre à Gaza, Damas est devenu le lieu de convergence de toutes les médiations. Les Syriens sont sollicités pour agir et apaiser la situation, soit directement, soit en exerçant des pressions sur la direction du Hamas.
L’agenda iranien consiste à étendre l’influence de la République islamique jusqu’au Liban, Gaza et l’Égypte, pour mieux prendre Israël en étau, et contrôler la rive Est de la Méditerranée.
Mais l’annonce, ce mercredi, d’un cessez-le-feu accepté par le Hamas, pourrait perturber l’agenda du Hezbollah, à moins que la Syrie ait obtenu gain de cause, Miguel-Angel Moratinos, qui s’est rendu à Damas, aurait pu en effet y faire des concessions pour épargner aux Palestiniens une véritable éradication à Gaza, et pour éviter l’ouverture du front libanais où les tirs de katioucha se poursuivent au nez et à la barbe de la FINUL (dont des milliers d’Espagnols). Mais une telle hypothèse signifie que l’État hébreu et l’Occident ont cédé devant le chantage. En acceptant un cessez-le-feu suivi d’une trêve, Israël aura accordé au Hamas le temps nécessaire pour reprendre son souffle, se réorganiser et se réarmer, avec le sentiment d’avoir gagné au moins une manche. Comme le Hezbollah en 2006, le Hamas deviendra incontrôlable.
C’est justement ce que recherchent le mouvement islamiste, ses alliés et ses bailleurs de fonds. Le Hezbollah ne s’en cache pas. Son « porte-parole médiatique » et rédacteur en chef de son organe de presse « Al-Akhbar », Ibrahim Al-Amine, l’a avoué ce mercredi sur les pages de son journal. Il a proféré des menaces à peine voilées à l’encontre d’Israël et de la majorité parlementaire au Liban, accusée de comploter avec l’ennemi. Il a en effet évoqué « les activités invisibles du Hezbollah au sud du Litani, ainsi que la possibilité d’assister à de nouveaux tirs de missiles depuis le sud Liban, pour soulager le Hamas à Gaza ». Dans ce cadre, Al-Amine souligne que « la FINUL, poussée par des parties étrangères, et par certains comploteurs de l’intérieur, ne fait pas confiance à l’armée libanaise », qui coopèrerait avec le Hezbollah et la résistance. En critiquant la majorité parlementaire, qui dénonce les tirs des katioucha depuis le Liban, Al-Amine désigne l’Alliance du 14 mars comme étant des « comploteurs qui travaillent pour le compte d’Israël et contre la Résistance » (au Liban et à Gaza). « La majorité ne tardera pas à rappeler le coût élevé de tout conflit militaire avec Israël, en prenant Gaza pour exemple, et n’hésitera pas à demander le désarmement du Hezbollah », prévient-il.
Partant de ce constat, Al-Amine insiste sur « la position pro-Hamas de la Confrérie des Frères musulmans (en Égypte) », dans une tentative de diviser l’Alliance du 14 mars, en suscitant la suspicion entre certaines de ses composantes sunnites, traditionnellement pro-palestiniennes, et le reste de la majorité.
Pour conclure, Al-Amine qualifie sans détour les dirigeants de l’Alliance du 14 mars de traîtres : « le Liban est le pays de la vie commune où cohabitaient toutes les communautés. Mais ceci ne signifie pas qu’il peut laisser coexister les patriotes (résistance) et les traites ». Un véritable appel au meurtre exploitable dans la campagne électorale.
En 2008, nous avions assisté à une campagne médiatique semblable qui avait abouti à la razzia de Beyrouth, début mai. Craignant la perte des élections, le Hezbollah a repris ses manœuvres, cherchant à intimider la majorité et ses électeurs, sans écarter l’hypothèse d’un recours à la force.