On ne peut pas dire que le nouveau Pape Benoît XVI ait adopté une attitude particulièrement conciliante envers le peuple juif depuis son intronisation en 2005. Entre sa volonté de béatifier Pie XII, malgré son attitude plus qu’ambiguë durant la Shoa, les déclarations violemment anti-israéliennes du Cardinal Martino non condamnées par le Vatican, ainsi que sa volonté de réintégrer dans la prière d’anciens textes liturgiques hostiles aux Juifs, les relations judéo-chrétiennes ont été assez secouées depuis l’entrée en fonction du nouveau chef de l’Église catholique.
Dernière décision qui provoque l’indignation, celle d’accepter la demande de réintégration dans le giron de l’Eglise, de quatre évêques ordonnés en 1988 par l’archevêque traditionaliste Marcel Lefebvre, sans l’accord de Rome. Il s’agit des évêques Bernard Fellay (Suisse), Alfonso de Gallareta (Espagne), Tissier de Mallerais (France) et Richard Williamson (Grande Bretagne). A l’époque, le Pape Jean-Paul II avait pris la décision rare d’excommunier ces quatre prélats, ainsi que Marcel Lefevbre lui-même, chef de file de la fronde traditionaliste contre le « modernisme » de Rome depuis le Concile de Vatican II.
Dès le début de son pontificat, Benoît XVI avait clairement fait comprendre que « nul n’était de trop dans l’Église » et qu’il souhaitait entre autre « mettre fin au schisme qui divise l’Eglise catholique romaine » et normaliser les relations avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, érigée canoniquement en Suisse en novembre 1970 par Marcel Lefebvre.
Cette décision de réintégration relèverait normalement de la politique interne de l’Église, si elle ne comportait pas un élément scandaleux qui a provoqué l’indignation parmi les organisations juives. L’un des quatre évêques en question, le britannique Richard Williamson à déclenché une polémique mercredi soir dernier, en niant l’existence des chambres à gaz, lors d’un entretien diffusé par la télévision suédoise. Il a affirmé que « les preuves historiques vont massivement à l’encontre de six millions de Juifs gazés délibérément”, et a cité les “plus sérieux” révisionnistes qui selon lui, « ont conclu qu’entre 200.000 et 300.000 Juifs ont péri dans les camps de concentration nazis, mais pas un seul dans une chambre à gaz” !!
Le Grand Rabbin de Rome, Ricardi Di Segni, a demandé au Pape de « revenir sur sa décision » jugeant « inconcevable qu’il ne fut pas au courant des positions de l’évêque intégriste, d’autant que ce n’est pas la première fois qu’il tient de tels propos ». Le Centre Simon Wiesenthal de Paris a également réagi par la voix de Shimon Samuels : « Le retour de Richard Williamson aura sans doute un coût politique pour le Vatican. En tant que chrétien qui a subi le régime nazi dans sa propre chair, le Pape Benoît XVI devrait être plus prudent et plus sélectif dans ses choix politiques ».
A Paris, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a souligné vendredi qu’il n’avait “pas à porter de jugement sur la levée de l’excommunication des évêques intégristes » mais précise tout de même « que le négationniste Mgr Williamson est un méprisable menteur qui n’a pas d’autre objectif que de réveiller la haine multiséculaire contre les Juifs”.
La LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme), indique « qu’en niant l’existence des chambres à gaz et le nombre des victimes de la Shoah, Mgr Richard Williamson fait incontestablement partie du clan des falsificateurs de l’Histoire” et rajoute « qu’une telle réintégration de l’évêque constitue un recul inquiétant dans la politique menée par l’Église contre l’antisémitisme depuis le Concile Vatican II”.
Une organisation américaine de dialogue interreligieux, «International Jewish Committee for Interreligious Consulation », a même demandé l’annulation de la décision papale pour les quatre évêques sans distinction, « car ils sont tous connus pour être opposés à la poursuite de relations de l’Eglise catholique avec les Juifs, les protestants et les musulmans. »
Jusqu’à hier vendredi, le Vatican avait refusé de commenter les informations diffusées jeudi par les journaux “Il Giornale” et “Il Riformista”, mais Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, avait laissé entendre vendredi qu’un tel décret serait rendu public rapidement. C’est ce qui a été fait aujourd’hui samedi par un décret signé au nom du pape Benoît XVI par le préfet de la congrégation des évêques, le cardinal Giovanni Battista Re.
De plus, une nouvelle déclaration négationniste d’un représentant de l’église catholique s’est tenue en Italie. « Je sais que les chambres à gaz ont existé au moins pour désinfecter mais je ne saurais dire si elles ont causé des morts ou non, car je n’ai pas approfondi la question », a déclaré le prêtre Floriano Abrahamowicz, responsable d’une communauté catholique du nord-est de l’Italie, dans une interview accordée au quotidien La Tribune de Trévise.