Le Hamas au bord du gouffre

Par Stéphan Juffa, article paru dans Menapress.

Les informations relatives au sacrifice de la population de Gaza par les chefs du Hamas se confirment de jour en jour. Hier et aujourd’hui, les radios et télévisions de Gaza ville ont sommé les habitants de ne pas s’approvisionner en nourriture lors de la trêve humanitaire – respectée par Israël chaque jour de 13h à 16h – diffusant qu’il s’agissait d’ « un piège des sionistes destiné à les massacrer ».

En dépit de ces menaces, les civils de Gaza se sont rendus en nombre aux points de vente des denrées arrivées par le couloir sécuritaire imposé par Israël.

Si les Gazaouis avaient obéi aux injonctions des islamistes, ils seraient demeurés sans ressources. Ce qui aurait accentué l’idée que les fondamentalistes tentent de répandre sur les médias, aux dépens de la population, d’une situation de pénurie alimentaire et médicamenteuse imposée par le « blocus israélien ».

La trentaine d’hôpitaux de Gaza ont eux aussi été livrés en matériel médical et en fuel pour les générateurs et ils ne manquent toujours de rien. D’autre part, des médecins volontaires internationaux ont été autorisés par Israël à venir prêter main forte aux praticiens palestiniens, pénétrant dans la Bande par la frontière égyptienne.

Les terroristes islamistes ont rompu la trêve humanitaire, qu’ils avaient pourtant respectée hier, et ce, à plusieurs reprises dès 13h. Des roquettes se sont notamment abattues sur Ashkelon et sur Sdérot, tandis que des mortiers explosaient à proximité des camions transportant l’aide humanitaire destinée à Gaza.

Tsahal n’a pas riposté.

La preuve est faite que la Résistance Islamique n’hésite pas à affamer les civils palestiniens afin de se servir de leur détresse comme argument visant à obtenir un cessez-le-feu israélien unilatéral.

De plus, il apparaît de plus en plus évident que les miliciens détournent à leur profit une partie de l’aide humanitaire convoyées à l’intérieur de la Bande de Gaza. Les quantités de matériel franchissant les points de passage israéliens sont sensiblement supérieures à celles recueillies par les centrales responsables de leur distribution.

Plus inquiétant encore : une partie de l’approvisionnement médical disparaît des camions ; ce qui fait croire à des observateurs que les miliciens entretiennent un hôpital secret dans lequel ils soignent leurs blessés, à l’écart des caméras des médias, qui ne filment que des blessés civils.

Sur le terrain militaire, un officier israélien, le major Roï Rosner, 27 ans, de la Brigade Kfir (lionceau), a été tué ce matin lors des combats, et un autre soldat a été légèrement blessé. Roï a perdu la vie alors que les fantassins attaquaient cinq groupes de miliciens.

Cela s’est déroulé dans les ruines de l’ancienne implantation de Nétzarim, au Sud de Gaza-city, lorsque le major a été la cible, à pied, d’une grenade antichar.

L’aviation et la marine israélienne, de même que les troupes au sol, poursuivent l’accomplissement de la phase 2 de l’opération. De multiples bâtiments à caractère sécuritaire ont ainsi été rasés (25), neuf stocks de roquettes détruits, et trois chefs importants, liés aux tirs de Qassam, deux du Djihad Islamique et un du Hamas, ont été neutralisés.

La décision gouvernementale de passer à la phase 3 – l’invasion de Gaza et l’éradication du régime islamique – est retardée de quelques jours, afin de donner une chance à une solution négociée.

A ce titre, une mission du ministère de la Défense, conduite par Amos Guilad, s’est envolée ce matin pour le Caire. Elle sera prochainement suivie par le 1er ministre Ehoud Olmert, qui a été invité dans la capitale égyptienne par Hosni Moubarak.

Un flou certain préside aux négociations. Un brouillard de malentendus que l’on doit largement à l’intervention dans le processus du président français, M. Nicolas Sarkozy. Ce dernier s’était mis d’accord avec le triumvirat israélien sur le mode opératoire suivant : l’État hébreu négociera avec le Caire les modalités d’un cessez-le-feu, basé sur l’engagement de Moubarak de parvenir avec Jérusalem à une solution rendant la Bande imperméable au trafic d’armes et de munitions.

Une fois ces modalités arrêtées, elles seraient soumises au Hamas par l’Égypte ; dans le cas où les gouverneurs du Califat accepteraient ces conditions, on décréterait un cessez-le-feu et on réglerait les points de détail d’un accord durable.

La France, représentée à Jérusalem par Messieurs Kouchner et Sarkozy, s’est entendue avec Mme Livni, M. Olmert et M. Barak, pour Israël, sur deux éléments supplémentaires. Le premier : si le Hamas n’accepte pas les offres proposées par le Caire et Jérusalem, Tsahal sera libre de chercher une solution militaire au conflit.

Le second : forte de cette entente avec Israël, Paris cessera de pousser dans le sens de l’adoption d’une résolution contraignante au Conseil de Sécurité, enjoignant l’État hébreu de faire immédiatement taire ses armes.

Le second engagement a été tenu par la France, et le Conseil de Sécurité à momentanément laissé à l’Égypte et à Israël la possibilité de s’entendre sur une solution « extra-onusienne ».

Les problèmes ont commencé à surgir le lendemain, lorsque la délégation tricolore s’est rendue au Caire, où, de façon plus que surprenante, M. Sarkozy s’est entendu avec Hosni Moubarak sur des termes singulièrement différents de ceux qu’il avait scellés la veille dans la ville trois fois sainte.

Pour Moubarak, les Français sont d’accord avec lui pour commencer par un cessez-le-feu, et discuter, ensuite, de la façon de faire cesser la contrebande d’armes à Rafah et dans le Sinaï.

Le plus cocasse, dans cette pièce de boulevard, c’est que, le surlendemain, dès son retour à Paris, Nicolas Sarkozy a annoncé à la cantonade la conclusion d’un accord. Priée de s’expliquer, devant l’incompréhension israélienne, égyptienne, et la poursuite des combats, la France a étonnamment fait savoir que Jérusalem et… l’Autorité Palestinienne à Ramallah s’étaient accordées sur les conditions du cessez-le-feu.

A ce point, certains conseillers ont discrètement fait savoir à M. Sarkozy que l’AP de M. Abbas ne disposait malheureusement d’aucune influence sur les décisions prises à Gaza. Constatation qui fut reprise, beaucoup moins discrètement, par le Hamas lui-même.

Quelles que soient les nuances entre les propositions faites par Sarkozy, la direction de l’Organisation de Résistance Islamique, installée chez Béchar Al Assad à Damas, a communiqué qu’elle n’était pas preneuse. Que ses conditions étaient le retrait préliminaire de Tsahal de Gaza, qu’elle cesse son « agressions », ainsi que la réouverture, battants au vent, de tous les points de passage, y compris celui de Rafah avec l’Égypte.

A ce compte, on se dirige sûrement vers l’invasion générale de la bande et le dépôt du régime islamique par la force. Ce, bien que la décision ad hoc n’ait pas encore été prise en conseil des ministres.

A l’exception de l’Iran, de la Syrie, du Hezbollah et de quelques autres régimes fondamentalistes musulmans, l’agenda du Hamas n’est accepté par personne. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs présenté une troisième mouture de son programme de pacification, aujourd’hui, à l’occasion de sa rencontre avec la chancelière Angela Merkel à Paris : « Nous devons d’abord donner à Israël la garantie que les armes ne passeront plus par cette frontière », ont déclaré les deux chefs d’États à l’unisson.

« Dès ce moment », ont-ils poursuivi, « l’armée israélienne doit se retirer de Gaza. Ensuite, lors d’une seconde phase, nous discuterons de la réouverture de la frontière.

Et si le Hamas ne veut pas en entendre parler ? Parce que le Hamas, sans le composant djihad et destruction d’Israël, c’est un chat castré ; ça n’est plus la figure de proue de la conquête de la Terre par les Frères Musulmans. Ça n’est plus une tête de pont d’Ahmadinejad entre les côtes d’Hosni Moubarak et de Shimon Pérès.

Les Européens nous semblent à vrai dire un peu largués. La discussion avec Poutine pour un cessez-le-feu en Géorgie, c’était une pêche Melba à côté du contraste entre les points de vue au Moyen-Orient. L’unique aspect positif du manifeste Merkel-Sarko de ce jeudi, c’est qu’il barre, dans les faits, et à cause du refus des fondamentalistes, la promulgation d’une résolution mettant autoritairement fin au conflit au Conseil de Sécurité.

Ce matin, nous avons été autorisés à rendre visite aux divisions de réservistes qui s’entraînent dans le Néguev. La motivation et le sérieux de ces hommes font plaisir à voir. Lorsque le ministre de la Défense, Ehoud Barak, leur a rendu visite, il n’était pas question de « si vous allez entrer à Gaza », mais de « lorsque vous allez y entrer ».

Pendant ce temps, au nord, cinq Katiouchas sont tombées sur la Galilée occidentale, faisant quelques blessés superficiels. Ces tirs ont été – en dépit de ses dénis – ordonnés par le Hezbollah. Car rien, mais alors strictement rien, ne se passe au Liban-sud qui ne soit pas décidé par les intégristes chiites.

L’ONU et l’armée libanaise quadrillent le terrain afin d’empêcher d’autres tirs. Siniora présente presque des excuses à Israël et affirme que son pays ne veut pas nous provoquer.

Il s’est agi d’un geste symbolique iranien en direction du Hamas presque au bout du rouleau, et de la rue arabe, qui constate que, tandis que Jabaari et Hanya écrivent leur testament, Nasrallah et Ahmadinejad se contentent de vociférer.

Mais à moins d’une grosse erreur d’analyse, il n’y aura pas de guerre au Liban cet hiver. Il est vrai qu’il ne suffit pas d’être fou d’Allah pour souhaiter recevoir le même traitement que celui qui est actuellement administré au Hamas à Gaza.

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