La presse française, comme notamment le Télégramme, estimait qu’il était difficile d’écarter l’hypothèse d’un acte terroriste dans la disparition de l’Airbus A-330 d’Air France, devant relier Rio à Paris. Certes, il ne s’agit que d’une hypothèse que les autorités refusent encore à retenir.
La catastrophe aérienne et la perte des 228 passagers et membres d’équipage du vol AF-447 rappellent l’accident de l’avion de Flash Airlines de Charm El-Cheïkh, en Égypte, en janvier 2004. A l’époque, plusieurs hypothèses avaient été retenues pour expliquer le refus du Caire d’associer des experts français à l’enquête. La piste la plus répandue évoquait alors « une querelle entre le pilote, le copilote et un intrus qui voulait détourner l’avion et le précipiter sur un hôtel de la ville balnéaire égyptienne où Tony Blair, alors Premier ministre britannique, faisait escale avant de se rendre en Irak. La participation de ses troupes à la guerre déchaînait toutes les passions ». Le pilote de l’avion de Flash Airlines, un ancien pilote de chasse, se serait alors battu avec l’intrus et aurait précipité son appareil dans la Mer Rouge pour éviter de transformer son appareil en missile habité et de rééditer un nouvel 11 septembre. Cette version n’a jamais été validée, ni formellement démenti, mais elle a été enseignée dans certaines compagnies européennes, notamment au Portugal.
Aucune comparaison ne peut être établie entre les Flash Airlines, compagnie placée sur la liste noire européenne, et Air France, l’une des plus sûres de la planète, ni entre les deux avions accidentés (les appareils de la compagnie française sont modernes et bien entretenus. Celui assurant le vol AF-477 ayant été mis en service en 2005). A plus forte raison, l’état parfait de l’appareil laisse peu de place à l’hypothèse d’un accident dû aux perturbations climatiques ou à la foudre. Les experts sont unanimes pour affirmer que la foudre ne peut pas détruire un avion avec une vitesse telle que l’équipage et les équipements ne puissent pas prévenir les tours de contrôle. D’autant plus que deux appareils de la compagnie allemande Lufthansa ont traversé la zone à quelques minutes d’intervalles sans subir des difficultés. Les données météorologiques enregistrées par ces deux aéronefs seront expertisées pour l’enquête. En attendant qu’ils livrent leurs secrets, la piste d’un acte terroriste prend de l’ampleur. Une violente explosion pourrait ainsi avoir désintégré l’appareil d’Air France, coupant toute liaison avec l’extérieur.
Bien que cette hypothèse relève, à ce stade, d’une simple fiction, il convient de rappeler que d’autres avions ont déjà été pulvérisés en vol, comme celui du DC-10 de la compagnie UTA (au Ténéré), et du Boeing de Pan Am (Lockerbie). L’avion français, détruit en septembre 1989 au dessus du Niger, aurait été victime d’un règlement de compte impliquant la France d’un côté, et des puissances moyen-orientales de l’autre. Pour certains, l’implication de la Libye était engagée, mais pour d’autre, la responsabilité incombait à la Syrie qui voulait punir la France pour son soutien au général Michel Aoun au Liban (un négociateur en armes pour le compte de ce dernier qui se trouvait à bord aurait été la principale cible). L’avion de la Pan Am aurait été pulvérisé au dessus de l’Ecosse un an plus tôt, sur ordre de l’Iran, pour venger la destruction par erreur d’un avion iranien par l’aviation américaine (pendant la guerre Iran-Irak).
Le principe de vengeance ou d’avertissement peut ainsi s’appliquer au vol AF-477 Rio-Paris, d’autant plus que l’Iran voit d’un mauvais œil la récente inauguration de la base navale française dans le Golfe, aux Émirats arabes unis. Téhéran évoque le danger de l’incursion française dans sa chasse gardée et proteste contre l’utilisation par Paris et par le quotidien « Le Monde » notamment du terme « Golfe arabique » au lieu de « Golfe persique ».
Mais si l’hypothèse de l’attentat est retenue, les regards se tournent en priorité vers le Hezbollah libanais. D’abord, comme l’a rappelé le « Télégramme de Brest », le parti de Dieu dispose en Amérique latine d’importantes cellules dormantes capables de mener de telles opérations (comme l’attentat de Buenos Aires, en Argentine, contre le centre culturel juif en 1994. Il en dispose également en Europe où il menace ses adversaires politiques). Ensuite, la « perte mystérieuse » de l’appareil terroriserait inconsciemment les Libanais de la diaspora qui s’apprêtent à rentrer au Liban pour participer aux élections (plus d’un million de personnes sont attendues pour le 7 juin, et le Brésil est un réservoir humain favorable à la majorité). Par intimidation ou crainte, de nombreux Libanais ne s’aventureraient plus à faire le voyage. La troisième raison concernerait le Tribunal international pour le Liban, notamment après les révélations du journal allemand « Der Spiegel » accusant directement le Hezbollah d’implication dans l’assassinat de Rafic Hariri. A cet égard, il convient de rappeler que 26 ressortissants allemands se trouvaient parmi les passagers (de nombreuses mises en garde ont été émises contre d’éventuelles actions terroristes visant des touristes ou des intérêts allemands dans le monde, après les révélations de Der Spiegel). Des « cibles » juives peuvent également figurer parmi les passagers de l’Airbus sinistré, alors que le Hezbollah cherche depuis février 2008 à venger son chef militaire Imad Maghnieh. Récemment, l’Azerbaïdjan a déjoué un attentat planifié par le parti de Dieu contre des intérêts israéliens, et au moins six personnes ont été arrêtées. « La disparition d’un avion peut détourner l’attention sur les déboires du parti pendant quelques jours », pensent ses stratèges. L’association de toutes ces raisons peut conforter la fiction, sans toutefois la transformer en réalité. En tout cas pas encore.
Chawki Freïha